Au fil des histoires d’origine, le prétendu lancement du Champagne par Dom Pérignon, découvrant alors que le temps se réchauffait au printemps que ses bouteilles de vin tranquille avaient repris la fermentation et piégé les bulles — » Venez vite, je goûte les étoiles! »- est un charmant morceau d’apocryphes. Pourtant, dans son travail de maître de chai à l’abbaye bénédictine d’Hautvillers, le moine du 17ème siècle avait beaucoup à voir avec le développement des techniques qui sous-tendent la qualité exquise du Champagne aujourd’hui. Il a été le pionnier de l’assemblage à partir de multiples sources de vignobles, pour élever le caractère du vin final; a conçu un moyen de séparer les peaux du jus, en gardant le vin fabriqué à partir de raisins rouges légers; a introduit le liège comme bouchon supérieur au bois; a épaissi le verre dans les bouteilles, qui avaient été sujettes à des explosions occasionnelles; et a poussé la maturation au fil du temps sur les lies.
Aujourd’hui, le travail fondateur du frère est une source d’inspiration pour Vincent Chaperon, chef de cave de la légende homonyme qu’est devenue le Champagne Dom Pérignon. Mélange de » tradition et de modernité « , il décrit l’esprit de l’abbaye aujourd’hui, » où le Champagne moderne est né » (et où Pérignon lui-même a creusé la cave profondément dans la craie pour stocker ses bouteilles.).
Comme le savent les amateurs de Dom, la maison a fondé sa réputation sur des vins millésimés, par opposition à des cuvées multi-millésimées. Dans une année désastreuse, il n’y aura pas de vin. L’assemblage réussi consiste donc à choisir les meilleurs micro-sites au cours d’une année donnée, parmi des centaines de blocs de niveau Grand Cru que Chaperon détient dans sa trousse à outils. Le trio ultime qu’il recherche dans chaque mélange final est « l’émotion, la complexité et l’harmonie. »Ce premier pourrait s’apparenter à l’expressivité, et le dernier à une autre façon de décrire l’équilibre. Et à chaque millésime, dit Chaperon, quelles que soient les conditions, son objet est » une nouvelle harmonie. »La diversité d’une saison à l’autre est son défi, et son terrain de jeu — une palette unique que les mélangeurs multi-vintage liés par la cohérence, un « style maison », manquent.
Photo: Gracieuseté de Dom Pérignon
Qui nous amène au millésime 2012 de Dom Pérignon (200$ et sortira en septembre). C’est un vin, selon Chaperon, » plein de contrastes et de contradictions » provoqués par un » hiver agressif » suivi d’un plein soleil d’été. Et c’est vrai — le Champagne est marqué par une acidité laser mais aussi par de la générosité, des textures agréables, de la concentration et de la maturité. Il s’ouvre sur une belle salinité suivie d’une succession de fleurs blanches, de fruits, de complexité herbacée et de minéralité. Le mot qui me vient à l’esprit est énergie. » Harmonie construite sur des contrastes « , l’appelle Chaperon.
Cette année, Dom Pérignon sort également un millésime plus ancien, le 2003, dans le cadre de son programme Plénitude 2 (P2), basé sur la conviction que dans l’arc de la vie d’un vin, il y a plus d’un moment où il exprime un caractère de pointe. Pour Chaperone, » l’élevage sur lies est un temps de constriction, pour que le vin développe de la complexité. »En même temps, selon ses mots, »la levure transfère l’énergie de manière mystérieuse. »Ce n’est que lorsque cette complexité et cette énergie seront en équilibre (comme pour le 2012) que la maison sortira un millésime. Mais il y a un moment des années plus tard où le vin peut entrer dans une seconde vie (tous les millésimes ne le font pas), où il parle plus fort et expressif — quand il est plus long, plus profond, plus intense, et a encore plus de vitalité et d’énergie — c’est la » Plénitude 2″ dans la vie d’un millésime Dom Pérignon.
Il serait peut—être plus qu’un peu contre—intuitif de penser à un vin – particulièrement pétillant – qui prend de l’énergie en vieillissant, mais le P2 2003 (395$ et disponible à partir de juillet) est merveilleusement frais et tendu en ce moment. (Ce dernier est une bonne chose.) La minéralité attendue et les fruits secs laissent place à un caractère citronnel. La bouche est puissante, profonde et structurée. C’était un millésime, en fait, qui n’a presque pas eu lieu. Le gel précoce et une canicule tardive brutale ont entraîné de faibles rendements et une concentration difficile des fruits. Dom Pérignon fut l’une des rares maisons à déclarer le millésime. Et comme le décrit Chaperon, ils ont dû tout changer cette année-là, pour trouver l’équilibre face à des tanins sérieux et des éléments phénoliques surmenés. Leur risque est notre récompense, dans ce Champagne singulier de 18 ans – preuve que Dom sait vraiment créer une harmonie unique à partir de ce que la saison donne.