Biophysique

Les grenouilles capturent des proies à l’aide d’une salive éclaircissante qui se répand sur les insectes lorsque la langue frappe, puis s’épaissit et se colle lorsque la langue se rétracte – selon des chercheurs américains. En combinaison avec les propriétés matérielles uniques de la langue, ce liquide viscoélastique à deux phases rend la langue extrêmement collante, permettant aux grenouilles de capturer et d’avaler des proies plus lourdes qu’elles en un clin d’œil. La recherche pourrait conduire au développement de nouveaux types d’adhésifs et de technologies de manutention, disent les scientifiques.

Les grenouilles peuvent capturer des insectes volants à des vitesses étonnantes d’un coup de langue en forme de fouet. Mais ce ne sont pas seulement des insectes légers qu’ils peuvent attraper. Des recherches ont montré qu’une langue de grenouille peut tirer jusqu’à 1,4 fois son poids corporel. Et des grenouilles ont été enregistrées capturant des animaux plus gros tels que des souris et des oiseaux.

Au début de la dernière étude, Alexis Noel, du Georgia Institute of Technology à Atlanta, et ses collègues, ont filmé des grenouilles léopards communes, des Rana pipiens et d’autres espèces capturant des grillons avec une caméra haute vitesse à 1400 images par seconde. Ils ont découvert que la langue d’une grenouille léopard peut capturer un insecte en moins de 0,07 s – cinq fois plus vite que les humains ne peuvent cligner des yeux.

Piège à miel

Les calculs de l’équipe montrent que lorsque la langue se rétracte, la force exercée sur l’insecte peut atteindre 12 fois celle de la gravité. La langue est capable d’adhérer à la proie sous de telles forces car elle est extrêmement molle et viscoélastique, et recouverte d’une salive non newtonienne, amincissante par cisaillement, selon les chercheurs. L’amincissement par cisaillement est la propriété de certains fluides par laquelle une force de cisaillement sur le fluide réduit sa viscosité. À faible taux de cisaillement, la salive est très épaisse et plus visqueuse que le miel. Mais lorsqu’elle est soumise à des forces de cisaillement élevées, par exemple lorsque la langue s’accélère pour devenir une proie, la salive s’amincit, devenant environ 50 fois moins visqueuse, ont constaté les chercheurs.

« Lors de l’impact sur la proie, la salive connaît des taux de cisaillement élevés, ce qui fait que la salive devient mince et liquide, pénétrant dans les fissures des insectes », explique Noel. « Pendant la rétraction des insectes, la salive connaît de faibles taux de cisaillement, se raffermissant et maintenant l’adhérence sur l’insecte. »

« La salive de grenouille ressemble beaucoup à la peinture, un autre fluide d’éclaircissement par cisaillement », explique Noel. « La peinture est facile à étaler sur les murs avec un pinceau. Une fois le pinceau retiré, la peinture reste fermement collée au mur. En effet, la viscosité de la peinture change avec le taux de cisaillement appliqué. »

Matériau souple

Les chercheurs ont également découvert que la langue de grenouille est l’un des matériaux biologiques les plus mous connus. Il est aussi doux que le tissu cérébral et 10 fois plus doux que la langue humaine. L’extrême douceur permet à la langue de se déformer et de s’enrouler autour de la proie lors de l’impact, créant une grande zone de contact, facilitant la capture et l’adhérence.

La douceur et la nature viscoélastique de la langue l’aident également à maintenir le contact avec l’insecte lorsqu’il se rétracte dans la bouche. Selon les chercheurs, la langue est fortement humidifiée et lorsque l’insecte est tiré vers la grenouille, il agit comme un amortisseur, stockant de l’énergie dans ses tissus mous et réduisant les forces de séparation entre la salive et l’insecte. Noel utilise l’analogie d’un cordon élastique. « Si la langue était plus rigide, ce serait comme un humain sautant d’un pont avec une corde rigide enroulée autour de la cheville. »

Une fois que l’insecte est à l’intérieur de la bouche de la grenouille, la salive amincissante vient jouer à nouveau. La grenouille rétracte ses globes oculaires dans la cavité buccale pour pousser l’insecte dans sa gorge. Ce mouvement produit une force de cisaillement parallèle à la langue qui est suffisamment élevée pour rendre la salive mince et aqueuse, et l’insecte est libéré et avalé. La salive à deux phases aide à toutes les phases de capture des proies: une faible viscosité aide à l’impact et à la libération, tandis qu’une viscosité élevée aide à l’adhérence des proies.

Adhésifs réversibles

Les chercheurs pensent que ces mécanismes pourraient inspirer la conception d’adhésifs réversibles synthétiques pour des applications à grande vitesse. Noel a déclaré à Physics World qu’elle pouvait imaginer un tel adhésif « utilisé pour un mécanisme de collecte rapide d’objets dans des drones » ou comme moyen de saisir des objets délicats sur une bande transporteuse dans une usine de fabrication.

Pascal Damman de l’Université de Mons en Belgique a déclaré à Physics World: « Cette étude confirme ce que nous avons montré dans nos travaux sur les caméléons, la combinaison de la déformation élastique de la langue avec le mucus visqueux assure une capture efficace des proies. Je suis cependant surpris de voir que la force d’adhérence observée pour les grenouilles est beaucoup plus faible que la force d’adhérence observée pour les caméléons. »

L’étude est décrite dans l’interface de la Royal Society.

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